Pour Dominique Chargé, président de LCA, « la rentrée s’annonce complexe »
Dans une interview accordée à Agrodistribution, le président de La Coopération agricole Dominique Chargé fait part de son appréhension d’une fin d’année compliquée, avec des entreprises qui doivent supporter les surcoûts de production.
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Vous avez participé à la réunion du comité de suivi des négociations commerciales du 24 août, comment se présente alors cette fin d’année ?
Dominique Chargé : Avec le ministre de l’Agriculture, nous avons alerté sur les risques concernant l’approvisionnement de la chaîne alimentaire avec l’addition des handicaps rencontrés depuis plus de deux ans – crise sanitaire, sécheresse et autres aléas climatiques, guerre en Ukraine – et leur impact sur les coûts de production. Il existe en effet des difficultés d’appro potentielles, pour l’automne et l’hiver, de différentes catégories de produits.
On s’attend de fait à un recul de la production agricole. Pour le lait, on enregistre une baisse de la production de 5 % qui, avec cette conjoncture compliquée, s’accentue tous les mois. En viande bovine, la décapitalisation se renforce également. Concernant les grandes cultures, la hausse du prix des engrais va sans doute amener à des arbitrages entre cultures dans les assolements en fonction de la disponibilité en azote. Tous ces éléments sont susceptibles de conduire à une désorganisation de la chaîne d’appro. Cependant, les pouvoirs publics commencent à comprendre ce qui peut se passer.
Et comment se traduit cette situation pour les entreprises ?
D. C. : Dans ce contexte, les entreprises sont confrontées à des tensions plus fortes sur leur trésorerie. Ainsi, par exemple, en céréales, les prix d’acompte connaissent une hausse de 40 %, en lait, le prix des 1 000 litres subit une hausse de 25 à 30 %, et en viande bovine, le prix du kilo, une hausse de 25 à 35 %. Parallèlement, les coûts industriels ont progressé de 15 % avec la hausse de l’énergie, des emballages, de la logistique et des salaires. Quant aux coûts de production agricole, ils ont augmenté en moyenne de 27 %, tous secteurs confondus.
Depuis six mois, les entreprises doivent financer l’écart entre la hausse des coûts de production et celle des prix à la consommation. Toutefois, des entreprises ont réussi à obtenir la moitié de la hausse nécessaire avec des délais de mise en œuvre qui peuvent être très longs, jusqu’à six mois. L’autre moitié de la hausse dont les entreprises ont besoin se retrouve dans les pertes de marge ou de trésorerie. Certaines coopératives doivent même travailler à perte car elles n’ont pas les hausses nécessaires.
En fait, la grande distribution reste dans une guerre des prix et ne veut pas passer ces hausses. Or il va bien falloir accepter de payer son alimentation au juste prix. Nous risquons de payer cher le manque de vision de la grande distribution sur la sécurisation de sa chaîne d’approvisionnement et le fait qu’elle se soit positionnée comme garant d’une alimentation pas chère depuis une trentaine d’années. De plus, nous avons la transition agroécologique à mettre en place.
Quelles sont alors vos demandes aujourd’hui ?
D. C. : Nous demandons que l’industrie agroalimentaire soit protégée des risques de coupure ou de délestage d’approvisionnement en énergie dans les mois qui viennent. D’autant qu’il pourrait y avoir des pertes de matières premières. Nous souhaitons aussi une accélération des mesures du Varenne de l’eau, comme le stockage. Des agriculteurs se sont vus interdire l’utilisation d’eau de leur stockage privé alors qu’elle n’était utilisable par personne d’autre. Nous réitérons également notre demande d’un fonds de transition agroécologique, mesure que j’ai portée dans le plan de relance 2020.
Cependant, on nous explique aujourd’hui qu’il n’y aura pas de fiscalité nouvelle. Et je dois veiller à ce que cette transition ne crée pas de discrimination entre agriculteurs et, notamment, nos coopérateurs. Je continue à porter le sujet, car il y a une très grande urgence. De l’équilibre entre la compétitivité de nos métiers et filières, sous l’angle d’une juste rémunération des acteurs de la chaîne alimentaire, et cette transition, va dépendre l’atteinte de notre souveraineté alimentaire.
Propos recueillis par Hélène LaurandelPour accéder à l'ensembles nos offres :